La bifurcation de Satun
Pour son anniversaire au chantier naval de PSS, Ivan commence la journée par monter au sommet du mât de Rahopé pour y réparer l’un des feux de navigation.
Avec l’aide du palan de François, ancien guide de haute montagne à Chamonix, il se hisse jusqu’au sommet.
Le temps occupé par les divers bricolages n’empêche pas d’admirer la vue sur la campagne alentour.
Ensuite, il est temps de céder à la mode du chantier qui invite à se tondre les cheveux pour se faire une crête.
Notre capitaine Phil est piégé car il avait annoncé qu’il suivrait si Ivan osait. Il est un peu terrifié par l’idée de tenir son engagement mais garde sa bonne humeur pendant que la tondeuse fait son oeuvre.
Nous terminons par une soirée animée dans le centre-ville avec les autres navigateurs présents sur le chantier, d’abord dans la pizzéria d’un anglais installé sur place puis dans le principal bar de la ville.
Le Windrose
Il y a sur le chantier un bateau particulier, chargé d’histoire.
Il date de 1959 et des pièces et pépites d’or, censées porter chance, ont été retrouvées sous son mât.
Sa coque et structure étant en bois, il a besoin d’une bonne restauration.
Tout est mis en place pour reconstruire sur mesure les parties endommagées et les réinstaller.
Une fois les travaux achevés, il gagnera New York où il est attendu pour une exposition.
Nous profitons des scooters régulièrement disponibles pour faire des courses pour Phil ou des balades dans Satun, la ville voisine.
A force de vadrouiller, nous dénichons des temples discrets et des petites routes qui traversent de jolis quartiers animés autant par la population que par des singes acrobates.
Sur le chemin du retour, nous tombons sur des thaï en pleine récolte du latex. Nous avons enfin l’occasion d’observer le produit brut, avant son utilisation dans la production du caoutchouc.
Avec le temps qui passe, nous nous lions d’amitié avec François et Véronique qui mènent une vie d’une simplicité fascinante sur leur voilier Oumâ. Celui-ci est aménagé chaleureusement, sa cabine confortable entourée de pleines bibliothèques.
Une fois leur bateau repeint et mis à l’eau, nous allons passer quelques après-midi et soirées en leur compagnie.
Pas le temps de s’ennuyer entre la collecte de leurs précieux conseils de navigation sur une zone qu’ils connaissent bien et la préparation du jamu, une boisson à base d’épices et fruits locaux (galanga, gingembre, curcuma, tamarin, citron et sucre de coco).
Ils nous font également prendre conscience de la quantité de travaux restants sur Rahopé avant la mise à l’eau, ainsi que de la nécessité d’attendre la fin de la saison des cyclones, soit début mai, avant de pouvoir effectuer la traversée vers l’Australie.
Nous continuons les courses occasionnelles pour Phil dans les centres commerciaux de Satun et profitons d’être près de masseuses thaï pour enfin expérimenter ce massage si réputé. L’expérience est assez traumatisante pour Camille, Ivan supporte légèrement mieux l’heure passée à se faire martyriser chaque articulation et muscle jusqu’au bout du supportable.
Un soir, un concert de reggae réunit à nouveau toute la troupe lors d’une soirée enthousiaste et arrosée dans Satun.
Malgré tout, depuis quelque temps le doute s’installe sur notre motivation à persister dans ce projet de traversée en voilier. Nous prenons quelques jours à peser les pour et les contre afin de prendre une décision.
Finir le trajet jusqu’en Australie en voilier ?
Pour Contre Plaisir de naviguer en compagnie de Phil Traversée longue (équivalente à la traversée de l'Atlantique) Traverser les paysages des îles indonésiennes Mauvaises conditions de navigation Mener le projet de rénovation jusqu'au bout Grandes incertitudes dues à l'état du bateau Réussir notre défi de rejoindre l'Australie depuis la France sans avion Temps d'attente de plusieurs mois avant le départ pour attendre la fin de la saison des cyclones Conclusion : il faut parfois savoir renoncer à un objectif même tout près du but quand les bons éléments ne sont pas réunis. Persister serait nous entêter et nous éloignerait sensiblement de ce que nous voulions faire du temps imparti à notre voyage.
Nous optons donc avec réalisme et dépit pour finir le trajet vers l’Australie en avion.
Après avoir fait part à Phil du résultat de nos réflexions, qu’il encaisse avec tristesse, nous organisons notre soirée de départ avant de retourner sur Kuala Lumpur. Il s’agit d’une étape obligatoire, ayant atteint la limite de notre visa en Thaïlande.
L’ambiance est à la fois très amusante, décomplexée et touchante, car nous quittons cette communauté si accueillante. Une fois la nuit bien entamée, Tony (le propriétaire du Windrose) qui a toujours et contre tout résisté à la mode de la crête finit par succomber.
Phil est parti se coucher un peu avant l’évènement. Le lendemain, il peine à s’arrêter de rire lorsqu’il découvre le résultat.
Notre départ quelques heures après est assez émouvant, car même si nous sommes encore légèrement hésitant, au fond nous savons que nous ne reviendrons pas.
C’est drôle de lire ce que vous nous avez déjà raconté de vive voix ! Quels bons moments vous avez passés là et que de choses apprises, c’est super ! et je sais que ça a continué à Perth !!!
Au fait, le singe est sur la poutre, sous le toit !
Le singe ? Moi je l’ai vu en haut du mat !