Le Transsibérien
Le monde se divise en deux catégories, ceux qui pensent que le transsibérien est une abomination pour aventuriers en manque de sensations et ceux qui imaginent que c’est absolument mythique, un immanquable dans une vie normalement constituée (avant la Rolex des 50 ans). Pourtant, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc, il faut naviguer dans les niveaux de gris.
Alors comment expliquer pourquoi pour nous l’expérience fut franchement positive ? Qu’il ne s’agit cependant de rien d’extraordinaire, seulement d’un bon moyen de faire ce trajet ? Tout n’avait pourtant pas si bien commencé…
Revenons à Moscou le jour du départ.
Bien évidemment nous sommes très en avance à la gare de Kansanski, et nous passons difficilement les portiques d’entrée. Non pas parce qu’on nous fouille, mais parce que les vélos sont quelque peu chargés. Notre wagon est le premier du train, donc le dernier du quai, tellement au bout qu’il est si étroit qu’on se demande comment nous allons y démonter les vélos. Les regards des autres passagers sont curieux, bien qu’ils aient presque autant de bagages que nous.
Malgré notre mot en russe rédigé par Mathieu et sa charmante compagne (merci quand même !) pour essayer d’obtenir de la place dans le wagon bagage pour les vélos, et la tentative qui s’en suit pour trouver la caisse appropriée dans la gare pour les acheter, c’est un échec. Il ne reste alors plus que 10 min pour tout démonter et monter dans le train. C’est alors que, comble du hasard, nous tombons sur un couple de grenoblois en tandem qui est d’une grande aide pour tout amener vers nos places. Arrive la grande suée pour arriver à incarcérer (le mot est adapté) nos vélos dans le haut des emplacements bagages en travers des couchettes. Bulat (un bouriate bien costaud) nous aide, les vélos craquent dans tous les sens mais ça rentre.
De manière générale nous avons été très agréablement surpris de voir qu’à la moindre difficulté ou stress apparent, les russes se précipitent pour nous aider. Beaucoup nous auront facilité la tâche dans les directions à prendre, le démontage, la montée des vélos… etc. Balshoï spasiba !
Nous sommes dans le compartiment mitoyen des français, et alors que le train démarre nous nous découvrons pas mal de points communs. En plus de faire plus ou moins le même trajet, ils ont également traversés l’Islande avec leur Pino le même été que nous. Un Pino qu’est-ce que c’est nous direz-vous ? Et bien c’est un genre de tandem mais vachement plus malin, où la personne qui est à l’avant pédale dans une position assise hyper confort pendant que celui qui est à l’arrière pilote. Vous en saurez plus sur leur blog ! Il y a plus à lire car ils voyagent depuis 3 mois.
C’est alors qu’une expérience légèrement onirique prend place. Rapidement on ne sait plus vraiment où on est, quelle heure il est (le train reste à l’heure de Moscou pendant que l’on change 5 fois de fuseau horaire), s’il faut manger, dormir, etc. Plus on s’enfonce dans la Sibérie et plus les magnifiques couleurs d’automne apparaissent dans la taïga.
Difficile de s’ennuyer une seconde avec Sarah et Guillaume, en plus de tous les autres passagers dont 2 anglophones. Il y a des familles, des solitaires, quelques soulards qui sentent la vodka : de tout pour faire un monde ! Et enfin, le prénom Ivan avec un i (Vania pour les intimes) prend son sens, ouvrant un capital sympathie et étonnement devant l’absence complète de lien avec la Russie.
80h, c’est bien le temps qu’il faut pour rencontrer un peu tout le monde, que la timidité laisse place à la sympathie et qu’ainsi de suite tout le wagon soit dans le même mouvement. Comment imagineriez-vous un fou rire à 2h du matin avec un vieille mongole dans un autre contexte ? Qu’on nous demanderait de sortir nos instruments pour un mini-concert pour tout le wagon avant de le faire chanter en chœur sur le thème de Tcheburashka ? Que nous serions nostalgiques de quitter Ceceg et ses deux petites filles, qui nous auront pourtant bien gonflées avec leur séances caprices ?
Quelques baragouinages en russe permettent aussi de s’occuper et l’on peut tenter ses premières expériences dans la langue de Poutine, par exemple pour réussir à acheter un jeu de cartes dans une guitoune lors d’un arrêt.
Alors peut-être qu’on a bénéficié d’un contexte favorable, mais en conclusion : c’était très bien. L’arrêt final pour nous se fait à Irkoutsk à 2h30 heure locale (on peut donc aussi ressentir le décalage horaire en train, le « train lag ») après la désincarcération des vélos. C’est alors le moment de remonter les vélos, direction le lac Baïkal ! Mais ça, c’est pour un autre article…
Au niveau pratique :
- le train est d’une ponctualité démoniaque tout au long des 80h du trajet et de tous ses arrêts
- les 2 provodnitsa (intendantes) gèrent l’intégralité des tâches quotidiennes
- un wagon de dernière classe Platzkart comprend 54 places, séparées par paquets de 6 (4 face à face et 2 dans le couloir) avec des cloisons sur lesquelles sont fixées les couchettes
- tout est ouvert et ne laisse que très peu d’intimité, les bruits et les odeurs sont partagés, des dizaines de pieds dépassent du couloir (les couchettes n’étant pas très longues), mais dans l’ensemble c’est assez confort !
- à la plupart des arrêts il y a des marchands de tout et n’importe quoi : on voit passer des lustres en cristal, des seaux de pommes en pleine nuit, des chats en porcelaine, des clochettes (si si, des gens les achètent…), des beignets, des châles, …
- on peut profiter des arrêts (parfois de plus de 40min) pour se dégourdir les jambes, faire une course, prendre une douche dans la gare, …
- on passe son temps au samovar (la grosse bouilloire du wagon) pour ses soupes, nouilles et autres thés
Et bien moi ça me fait rêver !
Hiiip, ça c’est de l’aventure. Maintenant les choses sérieuses commence :). C’est un régal de lire vos aventures… Continuez. vivez a fond on est derrière. Biz à bientôt. Sebou
Un réel plaisir de lire ce récit de voyage. Nous y sommes, avec les odeurs en plus !!! Ca manque un peu de photos d’extérieur quand même, histoire de nous faire partager les paysages mais bon, peut-être une autre fois ?
Depuis le bureau, merci de me faire voyager (autrement qu’en avion, cette fois Ivan tu ne peux rien me reprocher !!!), je me régale.
Plein de bisous
A +
C’est vraiment sympa de suivre vos aventures, franchement =)
Super récit de voyage ! Le trajet a l’air d’avoir été riche en rencontres et nouvelles expériences. Bon séjour au lac Baïkal
La photo des pieds : un must
Effectivement je ne voyais pas l’Orient Express sous cet angle….
Super, très agréable de vous lire, on s’y croirait, ça nous fait rêver.
Pour avoir séjourné à Moscou et fait un petit voyage en train de banlieue, ça fait ressurgir de mémorables souvenirs….
Magnifique voyage, plein d’expériences et de rencontres extraordinaires, profitez bien vous allez avoir de merveilleux souvenirs! (la Marraine de David & Sœur de Michèle qui m’a donné votre blog)
Et chouette de pouvoir vous suivre sur ce chemin vers l’Océanie
Merci pour les détail, les photos, les mots en langues
Bon vent pour pédaler vers le lac
bisous
Marie
On a l’impression de voyager en votre compagnie. Continuez, c’est captivant !